De la surdité en politique

Publié le par Darklord

Il est des affaires qui ne se taisent jamais vraiment. Prenons le cas du CPE/CNE. Il y a peu de temps, le CNE soufflait sa première bougie. Evidemment, tout le monde est reparti de son petit débat dans lequel personne ne veut entendre l’autre. Autrement dit, stérile.

Il faut avouer que depuis l’entêtement incompréhensible et puéril de De Villepin, les positions de chaque camp sont bien arrêtées. La majorité défend la loi envers et contre tout au nom d’une unité dont on sait pourtant qu’elle a volé en éclat sous les coups successifs du mouvement anti-CPE puis de l’affaire Clearstream. Cette position anti-démocratique de la sourde oreille est encore utilisée aujourd’hui, par exemple par Renaud Dutreil dont nous allons reparler. L’opposition quant à elle se targue surtout de pouvoir supprimer le CNE si elle revient au pouvoir, mais quid d’idées politiques nouvelles pour palier au problème du chômage et de la précarité ? Personne ne semble s’en soucier, étant donné que les élections présidentielles tourneront apparemment autour de cette vaste fumisterie qu’est l’insécurité.

Le CNE donc, vient d’en arriver à un an d’exercice. Les politiques étant tout sauf imprévisibles, on assiste donc au combat dont je vous ait parlé au-dessus. La position que je tiens a fustiger ici est évidemment l’autocongratulation du gouvernement et qui nous rappelle d’autres tristes faits du même acabit.

Souvenez-vous de Sarkozy vantant les mérites de son action au ministère de l’intérieur, chiffres en main. Vous souvenez vous également des réactions que cela a suscité chez les professionnels sur le terrain et qui ne voyaient absolument rien des « bons » résultats du ministre de l’intérieur ? Sarkozy devrait imiter son « ami » Chirac et acheter un sonotone plutôt que d’aller dire partout (toujours devant les caméras, on ne fait pas une campagne présidentielle n’importe comment) à quel point il a réussi sa mission, oubliant que ses chiffres étaient loin d’être aussi positifs qu’il n’y paraissaient. Rappelons que les agressions contre les personnes avaient augmenté et que la plupart des autres violences, en fait de diminuer, avaient surtout été déplacées dans des secteurs moins contrôlés. Mais pour lui, il avait gagné.

La sourde oreille doit être contagieuse. Aujourd’hui c’est Renaud Dutreil qui se lance sur le devant de la scène pour vanter les résultats du CNE. D’après lui, sur 700 000 CNE signés, 10%, soit 70 000, ont été des emplois créés et précise que 10% de création d’emplois chaque année c’est beaucoup. Du coup il se félicite de cette réussite (il faut dire que personne de sensé ne le fera à sa place) et se dit « stupéfait qu'on puisse contester un bilan aussi positif » (Libération.fr). On va donc essayer de lui expliquer.

 

  1. Le CNE a une période d’essai de deux ans. Il est donc encore trop tôt pour dresser un bilan, positif ou négatif, du CNE au bout d’un an.
  2. 10% de création d’emploi par an c’est effectivement bien. A condition que cela dure. Qui peut savoir ce que réserve les tendances de l’emploi l’année prochaine et les années suivantes ?
  3. Au bout des deux ans d’essai, combien d’emplois créés tiendront vraiment le coup ? « Créés » ne signifie pas « stables ».

 

Mais Dutreil ne baisse pas les bras face à des considérations aussi triviales et continue de citer ses chiffres en les interprétant à sa manière. Ce qui devrait pourtant l’embêter, c’est qu’il n’est pas vraiment dans l’idée que se font les français du CNE. Car ce qui inquiète le peuple ce n’est pas vraiment de savoir combien ce contrat a créé d’emplois mais plutôt que les conditions de travail en soit rabaissées. « D’après une enquête publiée par l’Observatoire du travail, 67 % des Français considèrent que le CNE va précariser le marché du travail, 47 % qu’il va favoriser l’insertion des jeunes dans le travail et seulement 40 % qu’il va permettre de créer des emplois. » (Studyrama.com). Sur ce problème, en plus d’être sourd, le ministre devient muet. Evitant maladroitement la question, il ne fait que répéter que le CNE ne remplacera pas le CDI.

Curieux quand on sait que lors de l’anniversaire du CNE, Dutreil parlait justement de « l’étendre » au vu de ses « résultas positifs ». Comprenons que bientôt ne seront plus concernées que les Très Petites Entreprises. Quant à savoir dans quelles proportions aura lieu cette extension, mystère.

Même De Villepin n’avait pas osé penser à glorifier le CNE (netpme.fr) avant deux ans de mise en place, encore que par instant ça lui échappe. La surdité fonctionne apparemment aussi bien entre les politiques qu’avec le peuple.


Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
B
Pourquoi l'étendre? y'a pas besoin. Je connais un type qui fait tourner 3 boites de 17-19 personnes chacune, et dans le même domaine économique... Du coup il peut déja faire plein de CNE. Puis, dans les  plus grandes boites, il suffit de sous-traiter, en ajoutant les intérimaires et les stagiaires, ca ne laisse plus beaucoup de place au cdi.
Répondre
D
Sans compter qu'avec un peu de réflexion dans leurs utilisations les CDD sont largement assez flexibles. Le CDI deviendra-t-il le graal ?