Les barrières du débat

Publié le par Darklord

Récemment, alors que je discutais sur un forum du travail précaire, un personnage me dit que je n'étais qu'un « gauchiste » qui « ne comprends rien à rien ». Amusant. J'étais pourtant l'un des seuls à avoir contredit les deux partis qui se disputaient, même s'il est vrai qu'il me serai difficile de renier mon appartenance à une certaine gauche (pas à toute, loin de là). Quoiqu'il en soit, je ne comprenais pas vraiment l'intervention de ce personnage. Cherchait-il à m'insulter ? Ce serait ridicule. Même s'il avait les preuves que j'étais un pur gauchiste (ce dont je doute franchement) me « traiter » de gauchiste ne reviendrait donc pas à m'insulter.

Il fallait donc se rendre à l'évidence, cette personne n'avait de toute évidence plus rien à dire et ne pouvait qu'essayer de reprendre le dessus de la conversation en ayant un dernier mot qu'il devait supposer ravageur.

Mais ce genre de personnes a également d'autres « réparties ». Par exemple, vous avez peut être déjà était nommé de « anti-quelque chose primaire ». Pour la personne ci-dessus, j'aurai sûrement été un anti-flexibilité primaire (ce qui en plus est totalement faux). Par ces petits mots, la personne à laquelle vous êtes opposées vous cloisonne dans une idéologie qu'il pense être la votre et dont vous refusez de sortir. Du coup, lui se sort indemne (dans son esprit) du débat que vous meniez. Une sorte de vainqueur par forfait obligatoire.

Beaucoup de gens qui se contentent de lire des tracts ou des journaux peu enclins à trop pousser des réflexions essaieront de débattre non pas en opposant des arguments aux vôtres mais en concluant que vous ne comprenez pas la réalité du monde qui vous entoure.

L'argumentaire de ces personnes se résume très souvent aux phrases chocs d'un leader politique, phrases simplistes censées exprimer en quelques mots une vérité inaliénable permettant ainsi à son utilisateur de repousser des objections elles aussi assez simplistes. Pourtant, il n'est pas difficile de démolir ce genre de protection.

Penons par exemple la phrase bien célèbre de Sarkozy (et de De Villiers et de Le Pen) : La France, vous l'aimez ou vous la quittez. Certes, au premier coup d'oeil, elle peut sembler tout ce qu'il y a de plus logique. Sauf qu'il s'agit là d'une profonde preuve d'acte anti-démocratique. Tout d'abord, cette phrase ne propose que deux alternatives, rappelant fâcheusement le style « si vous n'êtes pas pour nous vous êtes contre nous » que tout pays soucieux d'un tant soit peu de démocratie ne peut accepter. C'est un peu comme toutes ces personnes aux USA qui sont contre la guerre en Irak et que Bush et son gouvernement considèrent comme « non-américain ». George W. Bush n'étant pas le parfait exemple de personnalité démocratique, vous en conviendrez j'espère. Réduire ainsi les possibilités revient à ignorer toute nuance possible entre les deux extrêmes. Pour en revenir à la phrase du ministre de l'intérieur, la question qu'il faut se poser alors est : Est-on obligé d'aimer la France pour y rester ? Il est vrai que si l'aspect d'un pays ne nous plaît pas, on pourrait se demander ce qui nous y fait rester (si on a les moyens de partir). Évidemment, il se peut que nous soyons dans l'impossibilité de partir, comme un immigré qui repartirait vers son pays d'origine où sévit la famine. Mais dans le cas où nous aurions la possibilité de partir vers des horizons cléments, pourquoi ne pas le faire ? Et si plutôt que de quitter ce qui ne nous plaît pas, nous essayons de changer les choses ? Plutôt que de s'en aller pourquoi ne pas essayer d'améliorer ce qui nous semble mauvais ? Une phrase comme celle de Sarkozy ignore ce genre de considération. Elle laisse supposer que ce n'est pas aux citoyens de faire la société mais qu'ils doivent l'accepter telle qu'elle est, même s'ils ne s'y retrouvent pas. Ou alors s'en aller trouver une autre société. Accepter la nuance, ce serait accepter également le débat qui ne peut alors manquer de se faire et qui aurait été inutile si les possibilités étaient arrêtées à deux choix possibles et incompatibles.

Les diverses manières de stopper un débat, qu'elles viennent d'un simple anonyme sur un forum ou des plus hautes instances de l'état, ne peuvent être admises comme une fin en soi. Il faut continuer les discussions et les argumentations au-delà de ces barrières, pas toutes aussi évidentes que celles dont je viens de donner l'exemple.


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A
je te lis avec beaucoup d'intérêt et il est vrai qu'en ce moment, les occasions d'avoir des "coups de gueule" ne manquent pas.Moi aussi, j'ai mes "humeurs" et je réagis à ma façon (voir mon billet d'humeur " Ségolène, entre femmes").Quelles que soient nos convictions, assumons-les.Bravo, continues.
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D
tout à fait d'accord Aber.
A
pas de temps là, mais je reviendrai, à bientôt
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